Nous mettons pour notre part en avant l’idée impopulaire selon laquelle la créativité est à la fois une affaire de production et de réflexion, de retenue et d’expérimentation, d’intrants et d’extrants, de diagrammes et de per- sonnes, de ressemblance et de différence, de majorités et de minorités, de domaines privé et public, d’espaces financier et culturel. De même, la créativité, chose évidente, a tout à voir avec l’économie, avec la bureaucratie, mais également avec les valeurs culturelles, la confiance, l’autonomie et la liberté d’expression. Et bien plus encore ! À l’égard des industries créatives, nous avons souhaité adopter une posture pragmatique et sans tabou. Loin de nous l’idée de singer le dernier « mème » intellectuel ni de céder aux lubies politiciennes du moment.
Nous n’avons guère non plus de gêne à parler d’ « industrie » lorsqu’il s’agit de culture, d’art ou même de patrimoine, si tant est qu’on entende par-là, comme nous l’enseigne l’étymologie du mot : « moyen ingénieux », « habileté à faire quelque chose », « pratique d’une activité manuelle », « inventions de l’esprit en machines utiles, relativement aux arts et aux métiers », ou plus récemment, « ensemble des activités économiques fondées sur la transformation des matières premières ». Ne nous méprenons pas : ce n’est pas parce que nous considérons la littérature, la danse, la peinture ou le théâtre comme des industries – au même titre d’ailleurs, et sur le même pied d’égalité que l’informatique, l’architecture et l’artisanat – qu’un « tout est permis » dostoïevskien serait de mise. Si un tableau de Picasso possède assurément une valeur artistique irréduc- tible, il a aussi un prix. Or, il importe de reconnaître cette double réalité, aussi bien pour les créations artistiques que pour les produits et les services dits « créatifs », et mettons ainsi à la disposition du lecteur, tout au long des trois premiers chapitres, les points de repère dont il aura besoin pour entrer sans difficulté dans le vaste champ des industries créatives, grâce à un travail de clarification des notions, des théories et des classifications dominantes. Nous dressons, ensuite, dans le quatrième chapitre, le bilan d’une décennie (2009-2019) en ce qui concerne les politiques mises en œuvre par le gouvernement ma- rocain et les programmes menés par différents acteurs économiques et sociaux en faveur du développement des industries créatives dans le Royaume.
Dans le cinquième chapitre, nous proposons un cadre de réflexion et dis- cutons les possibilités d’un rapprochement souhaitable – pour ne pas dire impératif – entre les industries créatives et le secteur touristique au Maroc.
Le sixième chapitre en est la synthèse : dix recommandations concrètes et actionnables adressées à qui de droit. Enfin, le dossier consacré aux « Créatifs » tient lieu d’une tribune dans laquelle nous découvrons le travail admirable accompli par une poignée de « faiseurs d’art et de culture » dans la région Marrakech-Safi, leur passion, leur optimisme, mais également leurs doléances. d’abandonner définitivement les classifications verticales et hiérarchisantes des industries culturelles et créatives au profit de grilles de lecture égalitaires et transversales. Le défi est de taille. Les pages du présent rapport en témoignent, nous l’espérons, avec autant de passion que de rigueur.
Nous Ce à quoi nous nous engageons, ici et maintenant, c’est d’abord et avant tout l’ouverture d’un débat de fond, por- té par un élan d’enthousiasme et par le désir d’apporter notre modeste pierre à l’édifice des industries créatives au Maroc, avec l’espoir de pouvoir en préciser davantage le champ des possibles et le périmètre des actions.
